Hier soir, j’étais à une conférence de Geoffrey Dorne organisée par UX Romandie et intitulée “A la poursuite de l’utile”. Geoffrey Dorne s’y interrogeait sur l’utilité dans notre travail de designer.
Il trouvait dommage qu’on aie tendance à faire du design pour les designers. Il nous a notamment enjoint à nous mettre au service de personnes qui en ont vraiment besoin en nous mettant dans le contexte de défis globaux que nous devons collectivement relever comme les conséquences du changement climatique, le développement et les droits humains.
En chemin, il arrivait à une conclusion très belle: nous trouvons notre utilité lorsque nous nous mettons au service du métier de l’autre.
Chercher l’utile dans le contenu
Cela m’a fait réfléchir à mon propre parcours et mes propres ambitions. Quand il a demandé qui était designer, je n’ai pas levé la main. J’aurais peut-être dû. Ne pas lever la main dans cette assemblée me permet de me démarquer (et de me faire remarquer) cependant. Une personne qui utilise les outils de la stratégie de contenu est aussi un designer puisque nous allions outils, méthode et empathie pour arriver à un résultat meilleur que la situation de départ. Les outils de la stratégie de contenu sont là pour s’assurer que les contenus répondent aux besoins des utilisateurs et, dans le même temps, aux objectifs d’affaire de nos propres clients. Une introduction à la stratégie de contenu plus détaillée composée par Kristina Halvorson dans « A List Apart » est disponible en français.
Sans le formuler ainsi, la présentation « A la poursuite de l’utile » appelait une certaine mise de côté de l’ego. En rappelant qu’il fallait se mettre au service du métier du client, cela appelle à mettre de côté son propre ego. C’est peut-être aussi la voie à suivre pour se prémunir de l’ego du client. dans le service à la clientèle, et le design en fait partie, il est primordial d’éviter les batailles d’ego avec le client puisqu’il finit, en général, par l’emporter et notre relation de confiance avec lui en pâti. Que cela soit au niveau personnel, inter-personnel ou organisationnel, l’ego semble être un frein à l’utile. L’ego des organisations est un frein à la création et au maintien de contenus utiles. Dans son billet, Gerry McGovern précise également que l’ego organisationnel ruine la confiance des gens dans les institutions. La lettre du CEO qu’il faut mettre en page d’accueil, les grandes photographies de cadres souriants et signant des documents, les buzzwords vides de signification pour les prospects et les clients… tout cela relève de l’ego de l’organisation, consomme des ressources qui pourraient être utilisées à des fins bien plus utiles.
Les limites de nos méthodologies
La production de contenu est un domaine de nos projets de design web et de communication qui manque souvent cruellement de méthode et d’organisation. Pourtant, comme Geoffrey Dorne nous l’a rappelé dans sa présentation, on risque de tomber dans le fétichisme méthodologique ou de se retrouver un peu paralysé par l’immense choix d’outils qui s’offre à nous. Quelques tableaux RACI, jeux de triage de carte, séance de collage de post-it, et quelques flowcharts peuvent souvent nous aider à organiser la création et le maintien des contenus. Cela devient un problème lorsque le résultat de ce travail se retrouve dans des rapports et des listes de recommandations. Beaucoup de praticiens le reconnaissent, les rapports sont rangés dans des tiroirs et ne contribuent que très peu à faire changer les choses.
Cette prise de conscience est une évolution bienvenue que j’ai commencé à remarquer à Confab Europe 2014. Là-bas, les discussions méthodologiques sont passées de l’effort solitaire d’analyse à des formes plus collectives d’implication des clients au travers d’ateliers. C’était flagrant dans la présentation de Sara Wachter-Boettcher et dans celle donnée par Ida Aalen et Audun Rundberg. En plus de donner une marche à suivre, on accompagne les humains qui composent les organisations pour lesquels nous travaillons afin qu’ils participent à trouver les solutions qu’ils devront appliquer.
Se mettre au service du métier des autres
Les designers de contenus travaillent pour les utilisateurs et pour l’organisation mais aussi pour les humains qui composent ces organisations. La plupart des personnes chargées de créer des contenus ne se sentent pas accompagnées. Elles se voient ainsi confiées de nouvelles responsabilités qui s’ajoutent à leur charge de travail existante sans forcément recevoir les outils nécessaires. L’écriture semble aller de soi à ceux qui distribuent le travail et cela ajoute souvent du stress inutile.
Et quand on se sent frustré de ne pas pouvoir apporter de clarifications et de changements au niveau stratégique, ou qu’on se sente frustré par l’ego organisationnel, le souci d’aider les autres à faire leur métier et créer des contenus utiles est quelque chose auquel on peut se raccrocher. C’est utile. Et c’est un premier pas dans la bonne direction.