Quelques questions à se poser au delà du choix d’un CMS

Un jour, dans une librairie informatique, une femme s’approche du rayon consacré au web. Hésitante, elle s’approche du libraire et lui dit: « Bonjour, je suis secrétaire dans une petite association et on m’a chargée de créer un site web. Je ne sais pas quel logiciel choisir ». Le rayon devant elle était rempli de livre avec des titres – sans aucun doute un peu effrayant comme « HTML & CSS », « Créez votre site avec Joomla », « Bien commencer avec Drupal », etc.

Le libraire réprime un soupir et se lance : « Vous pouvez utiliser Joomla ou Drupal, ils ont une bonne communauté et sont bien documentés même s’ils sont un peu compliqués. Ils offrent toute la flexibilité nécessaire… ». La dame continue de regarder autour d’elle avec un air perdu et finit par dire : « J’aimerais vraiment aller au plus simple, je crois que je vais demander à des amis ». Le libraire sentait qu’elle allait bientôt tourner les talons et sortir mais ne savait pas comment la retenir.

Je suis intervenu et ai osé un petit: « Ou alors, heu, WordPress, sinon ». J’ai relancé la conversation mais j’ai commis une erreur en me focalisant, moi aussi, sur le système de gestion de contenu. Je ne sais pas si elle est repartie avec une pile de livre sous le bras. Je suis sorti peu après. Si je devais hasarder un pronostic : elle est ressortie de cette librairie encore plus confuse.

Cette situation m’a fait réfléchir aux projets webs sans moyens des associations et autres auto-entrepreneurs. Ils pensent souvent ne pas pouvoir faire appel à un professionnel. Souvent, une personne du staff va devoir se retrousser les manches et se lancer dans le monde fascinant de la conduite de projet web.

La plupart du temps, le premier réflexe de personnes non natives du web est de se rendre dans une librairie et d’aller à la section informatique. Malheureusement, les livres généralistes qui traitent de tous le processus: de la définition des besoins, du développement de la stratégie et finalement de la création de sites et autres comptes sur les réseaux sociaux sont trop souvent absents des rayons, semblent trop abstraits et généralistes.

Pourtant, quel que soit la taille du projet, la sélection du CMS ne devrait jamais intervenir en premier. Malheureusement, les rayons des librairies ne donnent pas cette impression: ils sont pleins de livres spécifiquement basés sur les documentations de CMS libres et de technologies aux noms exotiques comme HTML et CSS. Ils encouragent les débutants à se focaliser sur les outils plutôt que de réfléchir en terme de buts, de public et de stratégie.

Avant de vous lancer dans la partie informatique, en choisissant un système de gestion de contenu, une solution hébergée ou autre, faites quelques recherches autour de ces quelques axes:

  • Contraintes. Quelles sont les ressources que votre organisation peut allouer à la communication sur le web ? Quelles sont les contraintes légales qui s’appliquent à votre organisation ? Les réponses à ces questions définiront les efforts que votre organisation pourra fournir sur le long terme en courant le minimum de risques.
  • Gouvernance et processus de travail. Qui a le pouvoir de décision sur votre présence en ligne ? Comment le travail est organisé au sein de l’organisation ? En posant ces questions ouvertement, vous démarrerez des discussions salutaires sur la conduite du projet.
  • Les buts de l’organisation. Que voulez-vous accomplir ? Quel type de relations souhaitez-vous établir avec vos publics ? Comment vos efforts de publication en ligne vous aideront-ils ? Pour chaque but, définissez une donnée statistique et trouvez une manière de la mesurer.
  • Les publics cibles. Qui sont-ils ? Quelles sont leurs besoins ?
  • Le contenu. Quels contenus possédez-vous dans vos brochures, affichettes et autres publications ? Est-il adapté ? Commencez un audit de contenu en listant chaque morceau de contenu que votre organisation possède et pourrait mettre en ligne.

Votre phase de recherche sera toujours incomplète. Vous pourrez la compléter en cours de route et faire des ajustements. Le fait de vous poser ces questions au début du projet vous mettra dans les meilleures dispositions pour la suite. vous saurez comment compléter ou adapter vos contenus utiles et intéressants. Avec les fruits de votre travail de recherche, vous pourrez approcher un ami, un libraire spécialisé ou un professionnel pour qu’il vous aide à choisir, personnaliser et configurer un système de gestion de contenu puis à le publier enfin sur le web pour le meilleur prix et les meilleures retombées possibles.

Rétro-ingénierie de stratégie de contenu

«How to Reverse Engineer the Perfect Content Strategy» de Simon Penson (@simopenson), fondateur de l’agence de marketing de contenu Zazzle, explique comment extraire un plan de contenu d’un magazine. Il explique comment les publics sont segmentés. Selon lui, on peut baser une stratégie de contenu sur l’observation d’autres publications comme un magazine de qualité.
Faire le plan du magazine en notant les différents types d’article que vous rencontrez page par page peut constituer une bonne base de réflexion pour créer un plan. Pourtant, ce raccourci n’en est pas vraiment un. Il faudra tout de même se poser des questions du style:

  • Pour quel public voulons-nous publier: les employés, les employés potentiels, les prospects, les clients?
  • Quels contenus intéresseront le public cible?
  • Comment sera produit le contenu?
  • Quel volume de contenu peut-on produire en maintenant une bonne qualité?
  • Quelle fréquence de publication allons-nous adopter?

Mais c’est un point de départ intéressant et une façon d’observer la concurrence 😊

Créer une fois, publier partout

«Créer une fois, publier partout» est une stratégie éditoriale qui permet de publier sur de multiples canaux tout en faisant des économies. Dans la langue anglaise, cette notion répond au nom de «Create Once, Publish Everywhere» et à l’acronyme correspondant COPE.

Dans cette approche, un dépôt central de contenus structurés envoie les éléments pertinents à chaque canal de distribution (site web, application pour smartphone, télévisions ou montres connectées, etc.) à la demande.

Cette méthode a plusieurs avantages. Elle permet de distribuer le contenu rapidement sur un nombre important de plateformes et de canaux de distribution. De plus, cela permet de faire face à l’apparition (ou la disparition) de canaux de distribution avec une grande souplesse. Par ailleurs, cela permet aussi de faire des économies car seule la version présente dans le dépôt est maintenue.

Bien sûr, avant de mettre en place un tel plan, il vaut mieux avoir une approche mature de la publication en ligne et suivre une stratégie de contenu cohérente.

Si cela vous semble compliqué, ne vous inquiétez pas. Un exemple vous aidera sans doute à mieux comprendre. Un des plus brillants exemples de l’approche «Créer une fois, publier partout» est une refonte initiée par NPR, organisation à but non lucratif qui fédère des radios locales aux États-Unis.

Étude de cas: National Public Radio (NPR) aux États-Unis

Les canaux de communication (applications mobiles Android et iPhone, site web et réseaux sociaux) se sont multipliés. La concurrence entre les éditeurs de contenus a augmenté. NPR a, donc, revu la distribution de son contenu pour réagir rapidement à l’apparition de nouveaux canaux de distribution. Cette présentation de Zach Brand donne des détails techniques assez précis sur le projet.

Grâce à leurs efforts, chaque élément de contenu qu’ils produisent est disponible dans un dépôt de contenu et accessible au travers d’une API. Leurs applications mobiles, leurs sites web, les stations locales participantes et les développeurs indépendants puisent le contenu dans ce dépôt central. Le contenu est stocké sans sa présentation, centralisé et bien rangé.

Une infinité de canaux de distribution

Cette organisation donne la possibilité de servir un nombre théoriquement infini de canaux de distribution sans dupliquer le contenu. Un seul système de gestion de contenu permet de réduire les coûts de fonctionnement tout en permettant d’augmenter largement la diffusion.

Structures répétitives des contenus

Pour pouvoir mettre en place une telle approche, on définit une ou plusieurs unités de base et une structure répétitive au sein de ses unités. Dans le cas de NPR, cette unité est l’histoire ou story. Chaque reportage ou segment sonore est stocké sous forme d’unité dans le dépôt.

Pour que ces histoires gardent tout leur sens dans une variété infinie de contextes différents, les équipes du projet divisent les histoires en une série d’éléments. Pour ce faire, elles utilisent les méthodes de la modélisation de contenu. Celles-ci sont décrites, entre autres, dans un article de Rachel Lovinger traduit par mes soins pour Pompage.net.

Après ce patient travail, chaque unité possède donc:

  • un titre en version longue,
  • un titre en version courte,
  • un chapeau,
  • un chapeau court,
  • une date de publication,
  • une catégorie,
  • une photo disponible en divers formats
  • et j’en passe…

Expérience utilisateur (UX) du système de gestion de contenu

Entrer une nouvelle «histoire» dans le système demande un peu de réflexion et un processus de travail rigoureux. L’interface du système de gestion de contenu facilite l’entrée de ces données par les collaborateurs. Puis, une fois dans le système, l’histoire pourra être présentée de mille façons différentes. Selon le contexte, on présentera la titre long ou le court, le chapeau long ou le court, seulement le texte et pas la photo ou seulement la photo et pas le texte.

L’utilisation de l’API donne une grande souplesse à la présentation du contenu.
Même s’il est difficile de dupliquer ce modèle tel quel, il est possible de s’en inspirer pour rationaliser la production, le stockage et la maintenance de contenus d’entreprise tout en augmentant leur diffusion.

Publier ou ne pas publier?

Avec les médias sociaux qui coulent en permanence comme des rivières et réclament constamment des contenus frais, la nouveauté et l’actualité semblent être devenues des valeurs maîtresses. Il pourrait sembler que celui ou celle qui n’arrête jamais de publier des articles et de les annoncer sur les réseaux sociaux reste en tête de la course.

L’équilibre entre volume et qualité

Cela semble vrai quel que soit la qualité des contenus. Même si seule une petite partie de la production sort vraiment du lot, les gens liront, passeront à leurs amis et retiendront celle-là. Les contenus de moindre qualité, eux, seront simplement ignorés.

Rien ne fait jamais l’unanimité et publier régulièrement demande une certaine dose de décontraction. Mais ce raisonnement ne tient vraiment la route que si l’on se donne tous les moyens de réussir et que l’on reste exigeant avec soi. Plus que jamais la qualité est importante.

Créer du contenu reste un investissement important

Écrire des textes, filmer des vidéos, enregistrer des podcasts, puis les éditer convenablement prend un temps considérable. Ce temps est un investissement qu’il faut éviter de prendre trop à la légère.

Bien sûr, quand on débute, il vaut la peine de tolérer ses propres défauts pendant qu’on travaille à devenir bon. Par la suite, il importe de savoir ce qu’on publie et pour qui. Les crawlers de Google ne devraient vraiment pas être votre premier public cible. Jamais. Avec la mise à jour «Panda» des algorithmes de Google, entre autres facteurs, même les plus gros éditeurs de contenus à la qualité discutable se mettent à changer leurs pratiques.

Éviter la paralysie du perfectionnisme

Les perfectionnistes — dont je fais partie — doivent abaisser leurs exigences envers eux-mêmes juste assez pour ne pas se laisser paralyser. C’est pour cette raison que je me suis engagé auprès d’autres blogueurs à publier 10 billets en 10 jours dans ce défi à l’initiative de Stéphanie Booth.

D’un côté, se montrer, faire valoir ses compétences et forger ses idées est trop important pour ne pas s’engager en ligne. D’un autre côté, publier des contenus de mauvaise qualité peut avoir des conséquences fâcheuses sur la réputation. Se forcer à publier est un bon moyen de trouver le juste milieu, j’espère.

Qu'apporte la stratégie de contenu?

Utilisation du mot «contenu»

Ces derniers jours, l’utilisation du mot «contenu» a été de nouveau vivement critiquée. Hugh MacLeod s’est fendu d’un tweet (depuis supprimé). Jeff Jarvis a écrit un billet intitulé «Le Problème avec le Contenu». Puis, un sujet enflammé est apparu sur le groupe de discussion des stratèges de contenu pour discuter de l’utilisation des termes «contenu» et «stratégie de contenu». La discussion a rapidement dévié sur la légitimité de la discipline. Si vous lisez l’anglais, je vous encourage à lire le billet et parcourir la discussion.

Cela m’a poussé à me poser quelques questions. Comme souvent lorsque ce genre de débat sur les mots et leur utilisation émergent, on arrive à la conclusion que le label est une convention utile. Dans le cas de la stratégie de contenu, le terme recouvre une activité nécessitant des compétences d’analyse, de communication et d’édition réelles. Elle répond, de plus, à un vrai besoin des organisations petites ou grandes. Le vrai problème avec ce terme est l’éducation. Si le sens d’un mot n’est pas largement connu, changer le mot n’apportera rien.

« Contenu » est un mot générique, c’est vrai. Pourtant, l’utilisation du mot ne signifie en aucun cas un manque de respect envers les diverses réalités qu’il recouvre. Au contraire, le cœur de la stratégie de contenu se situe dans l’idée de traiter le contenu comme un produit à part entière dans la gamme d’une organisation.

Les différents apports de la stratégie de contenu

À de nombreux égards, la stratégie de contenu est une forme de gestion de communauté (community management) avec une orientation éditoriale forte. Il s’agit de gérer les relations entre l’organisation et l’extérieur ainsi que les relations à l’intérieur de l’organisation en prenant en compte le corpus de contenus accumulés par l’entreprise.

On utilise des outils éditoriaux pour gérer les publications de l’organisation. Se faisant, on aide à améliorer la relation entre l’organisation et ses divers publics pour tendre vers le plus possible de bénéfices mutuels. Les publics que nous servons peuvent être des utilisateurs de l’intranet, ou des partenaires externes et des clients potentiels. La marche à suivre est assez mâture et précise.

  • Premièrement, on identifie leurs besoins en information.
  • Deuxièmement, on identifie la jonction entre les besoins des publics servi et les objectifs d’affaire de l’organisation.
  • Troisièmement, on tente d’aligner le plus possible les efforts de communication et de publication de l’organisation sur cette jonction.

Pour ce faire, il s’agit d’acquérir une vision d’ensemble aussi complète que possible du processus de publication quel que soit le média: articles, billets de blog, documentation, pages d’aide, statuts Facebook, tweets, etc. On dresse la liste des différents intervenants et facteurs qui l’influence. Ensuite, on établi des recommandations pour rendre le processus aussi direct, efficace et bon marché que possible.

Les bénéfices de la stratégie de contenu

Selon la taille et la culture de l’organisation, le changement peut prendre beaucoup temps. Cependant, le besoin existe et les bénéfices d’une telle approche de la stratégie de contenu sont clairs.

D’une part, le mauvais contenu cause des manques à gagner importants et un déficit en terme d’image car s’il ne répond pas à leurs besoins, les clients potentiels s’en iront frustrés. D’autre part, des améliorations des contenus apportent de nombreux retours sur investissement parfaitement mesurables:

  • Elles réduisent le volume d’e-mails et de conversations téléphoniques que les organisations gèrent au quotidien parce que leurs publics ne parviennent pas à trouver les informations dont ils ont besoin sur le site web ou l’intranet.
  • Elles permettent d’attirer un public plus ciblé,
  • augmentent la loyauté des visiteurs des sites et des clients
  • et bien plus encore…

Le mauvais contenu est désormais le principal frein à l’achat dans le e-commerce

Jakob Nielsen partage les conclusions de sa dernière étude sur l’expérience utilisateur des sites de e-commerces. Le design s’est amélioré. Lorsqu’on compare les résultats avec ceux obtenu onze ans plus tôt, le taux de succès des tâches est passé de 56% à 75%. L’obstacle principal pour une bonne expérience utilisateur est, désormais, le contenu. 55% des 143 échecs observés par l’équipe de Jakob Nielsen étaient dû à des problèmes de contenu. Ils bloquent la réalisation de commandes. Et ils empêchent aussi l’établissement de relations loyales et durables avec les clients.

Un contenu de qualité est indispensable pour vendre des produits en ligne. Sally Bagshaw donne quelques idées sur ce qu’un stratège de contenu peut apporter à un détaillant: notamment une bonne taxonomie, une structure de contenu réutilisable dans différents contextes et une utilisation intelligente des outils de mesures web.